A l’origine du projet

Estelle – Psychologue conseillère en orientation

Dans le cadre de ma profession, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec des jeunes en mesure de transition et des employeurs du canton de Vaud sur leur représentation du monde du travail. Des moments de partage forts où le clivage entre ces deux populations s’atténuait par leur volonté de mettre en place des passerelles.

Si l’augmentation du nombre de professions au cours de ces vingt dernières années ouvre de nombreuses perspectives, elle semble donner le vertige aux futurs professionnels. En effet, leur quête identitaire, intimement liée au choix d’un métier, se complique d’autant plus.

La finalité du travail est très éloignée de la réalité de certains jeunes. Cela peut les décourager et leur donner l’impression qu’ils n’y arriveront jamais. Comme le relevait Masdonati (2007), les attentes développées par ceux qui n’ont pas encore fait leur entrée dans le monde du travail sont parfois illusoires et peuvent se mesurer en terme d’espoirs et de peurs.

Alors que les RH, parlent de la motivation et de la volonté comme des facteurs importants pour engager un apprenti, les postulants évoquent leur difficulté à faire un choix et la peur liée à la confrontation avec les professionnels. L’une de leurs craintes les plus fréquentes est que les relations ne se passent pas bien et qu’ils ne trouvent pas leur place dans l’entreprise. Une autre est de faire le mauvais choix professionnel.

Le rôle du formateur semble régulièrement surestimé par certains apprentis qui s’attendent à une posture presque paternelle, apportant sécurité et conseil. L’entreprise formatrice, quant à elle, s’efforce de faire face aux contraintes d’ordre économique, jonglant entre les obligations de rendement et la disponibilité qu’elle peut consacrer à la relève.

Certains patrons pensent que former un apprenti est une prise de risque financière. C’est avant tout pour cette raison qu’ils demandent aux jeunes d’avoir de l’expérience. Les personnes engagées sont ainsi plus rapidement employables et rentables. Les uns, souffrent d’un sentiment d’exclusion, de non-acceptation et les autres, essayent de concilier le facteur humain aux nécessités de productivité de l’entreprise.

Lorsque la génération dite « Z » ne perçoit pas le sens immédiat d’une tâche, elle a tendance à perdre son focus, à se désengager et à devenir passive. Elle ressent le besoin d’un objectif clair, prioritaire et important. Deci & Ryan (2016), expliquent que les êtres humains ont tous besoin de se sentir autonomes, compétents et de se sentir appartenir à des pairs. De fait, tout parcours et tout environnement favorisant ces trois variables aura un effet sur la motivation et un impact sur le plan psychologique. Leur absence peut générer de nombreux changements d’employeurs ou de projets professionnels.

Ces souffrances ainsi que les dégâts psychologiques et économiques peuvent être nettement atténués, voire évités en tissant des ponts entre ces deux groupes, leur permettant de mieux se comprendre. Je suis alors heureuse d’avoir participé au projet Clivage(s), qui permet d’ouvrir le dialogue.